Ce que les milliardaires peuvent nous enseigner sur la prise de décision
Stratégie

Ce que les milliardaires peuvent nous enseigner sur la prise de décision

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Saviez-vous qu’Elon Musk et Jeff Bezos utilisaient la même technique pour être assurés de prendre les bonnes décisions ? Ils utilisent tous deux de multiples modèles mentaux, qui leur permettent de simplifier les systèmes complexes avec un point de vue spécifique. C’est pour chacun une façon de se représenter la façon dont le monde fonctionne, en le réduisant à une représentation des faits plus facile à appréhender. 

Savoir prendre une décision s’apprend avec le temps et l’expérience

La plupart des dilemmes que vous aurez à résoudre dans votre vie peuvent se classer dans deux catégories : quoi prioriser (quelle route dois-je prendre ?) et combien allouer (combien et quelle ressource dois-je mobiliser ?) 

Pour la première catégorie, la priorisation, l’un des modèles les plus répandus chez les puissants de ce monde consiste à minimiser les regrets. Dans une célèbre interview de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon témoigne : "Je voulais m'imaginer à 80 ans et me dire, 'OK, je regarde en arrière sur mon parcours. Je veux minimiser le nombre de regrets que j'ai’. Et je savais que, quand j'aurai 80 ans, je n'allais pas regretter d'avoir essayé cela. Je n'allais pas regretter d'avoir essayé de prendre part à ce truc qu'on appelait Internet et que je pensais qui allait beaucoup m'amuser. Je savais que si j'échouais, je n'allais pas le regretter. Je savais que la chose que j'allais peut-être regretter était de n'avoir jamais essayé. Je savais que cela allait me hanter jour après jour.

En ce qui concerne les problématiques d’allocation, c’est le principe de Pareto qui reste, aujourd’hui encore, le plus utilisé pour déterminer où mettre ses efforts dans une démarche d’itération. Ce principe bien connu nous rappelle que 80 % des résultats viendront de seulement 20 % des ressources. Pour maximiser son ROI, il faut donc se concentrer sur ces 20 % uniquement, après avoir scrupuleusement décortiqué les causes et les conséquences de chaque action.

Il existe ainsi une multitude de modèles mentaux (aussi appelés “rasoirs”) qu’il est très utile de connaître pour avancer plus sereinement dans la vie. A chacun d’apprendre à se servir des plus appropriés pour telle ou telle situation. En plus des deux cités précédemment, on peut aussi noter le rasoir d’Ockham (l’explication la plus simple est souvent la meilleure), celui d’Hanlon (ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer), de Hitchens (ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve), la matrice de décision d’Eisenhower (classer les tâches à faire en fonction de leur urgence ainsi que de leur importance)...

Inverser, toujours inverser 

Il arrive parfois que l’on se retrouve confronté à un problème trop complexe pour être abordé de façon logique, linéaire. C’est alors peut-être le signe qu’il est temps d’inverser son schéma de pensée. L’inversion est un modèle mental millénaire, et particulièrement utilisé en développement technologique - tout comme celui du principe premier, qui pose la question de quelle est la meilleure façon de résoudre un problème si l’on repart de zéro (cette grille de lecture permet d’identifier les caractéristiques propres d’un système, et de les améliorer. C’est celle choisie par Elon Musk pour concevoir les fusées de SpaceX). 

Pour en revenir à l’inversion, les philosophes stoïciens utilisaient déjà une méthode similaire baptisée « premeditatio malorum » - pouvant être traduite par « la préméditation des maux ». Pour cet exercice, ils s'efforçaient d’imaginer à l'avance le pire des scénario possible pour adopter un comportement ou prendre toutes les actions nécessaires à son évitement.
Ce modèle mental a plus tard été popularisé par le mathématicien allemand Charles Gustave Jacob Jacobi, au milieu du XIXème siècle. 

Pour résoudre des problèmes complexes (notamment dans le cadre de ses travaux sur les intégrales elliptiques), il avait une devise :  “Man muss immer umkehren”, ou autrement dit, inverser, toujours inverser.

Un peu plus d’une centaine d’année plus tard, le concept a été popularisé par Charlie Munger, le principal associé de Warren Buffett chez Berkshire Hathaway, au moyen d’une simple phrase depuis devenue classique : “Tout ce que je veux savoir, c'est où je vais mourir, pour que je n’aille jamais là-bas”. Là est toute la valeur de cette approche inversée d’un problème. 

Cette méthode est même devenue une doctrine chez Berkshire Hathaway. Quand Warren Buffet explique sa stratégie d’investissement ("Règle numéro 1 : ne pas perdre d’argent, règle numéro 2 : ne pas oublier la règle numéro 1”), il choisit de d’éviter les erreurs plutôt que de chasser la performance - ce qui, en pratique, est beaucoup plus facile à mettre en oeuvre. 

Comment les entrepreneurs peuvent appliquer l’inversion ? 

Dans un marché ultra-concurrentiel à enjeux élevés, décider de la meilleure stratégie peut s’avérer incroyablement difficile. Il y a tout simplement trop d'options, trop de variables et trop de décisions à prendre en cours de route. L'inversion peut alors aider, en partant d’une analyse pré-mortem - votre propre version de la "premeditatio malorum" des philosophes stoïciens - des différentes stratégies et leviers envisageables. 

Pour une stratégie donnée, posez quelques questions : Si cela échoue, pourquoi ? Comment aurions-nous pu éviter cet échec ? Quelles sont les conséquences de cet échec ?


Si vous effectuez cet exercice pour chacune des différentes stratégies envisagées pour votre startup ou votre entreprise, la “bonne” stratégie à suivre vous apparaîtra probablement clairement. L'analyse pré-mortem peut être un exercice très utile pour réduire le bruit et prendre des décisions rapides et efficaces. 

L’inversion fonctionne aussi particulièrement bien pour résoudre les problématiques de leadership. Qu’est-ce que vous considérez comme un échec de leadership ? Qu’est-ce qui vous ferait perdre le respect de votre équipe ? Si vous étiez un membre de ladite équipe, qu’est-ce que votre manager pourrait faire pour vous énerver ? Répondez honnêtement à ces questions, et vous aurez déjà un bon point de départ pour votre réflexion. 

La carte n’est pas le territoire 

Dès lors que l’on décide de s’appuyer sur un modèle mental pour enrichir son point de vue sur une situation, il est nécessaire de prendre quelques précautions. En particulier sur la façon de les appliquer. 

Un modèle peut s’apparenter à une carte, et il arrive fréquemment que la carte ne soit pas adaptée au territoire à explorer. Elle peut être inadaptée, ou tout simplement manquer de précision pour vous aider à atteindre votre but. In fine, elle ne sera toujours qu’une représentation de la réalité, pas la réalité elle-même. D’autant plus que l’être humain à tendance à analyser une situation avec le même modèle mental à partir du moment où ce dernier a démontré une fois son efficacité - ce qui ne fait pas bon ménage avec les variations de contexte. 


Le blog Farnam Street illustre ce paradigme avec une histoire aujourd’hui bien connue

À l'été 2011, tout le monde s’accordait pour dire que Ron Johnson était l'un des cadres du secteur retail les plus admirés… Son succès chez Apple n'a pas été immédiat, mais il était indéniable. En 2011, les magasins de la firme à la pomme étaient de loin les plus productifs au monde (sur une base par mètre carré) et étaient devenus un modèle pour le secteur de la vente au détail.

Fort de ce succès, Johnson a été embauché en 2011 pour redresser la vieille chaîne de grands magasins JC Penney. La situation était morose : entre 1992 et 2011, la part de marché de détail détenue par JC Penney était passée de 57 % à 31 %.

L'idée était de tirer les meilleurs enseignements de son expérience chez Apple (excellent service client, prix cohérents sans démarques ni majorations, présentoirs impeccables, produits de classe mondiale…) et de les appliquer chez JC Penney. 

Cela a presque immédiatement échoué… Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné dans la quête pour créer le magasin préféré de l'Amérique ? Il s'est avéré que Johnson utilisait une carte inadaptée à son nouveau territoire. Les produits, les clients et l'histoire d'Apple avaient bien trop peu de points communs avec ceux de JC Penney. Apple avait une fanbase solide, jeunes et riches, avant même de construire ces magasins. JC Penney n'était pas associé à la jeunesse ou à la richesse. Apple avait des produits brillants et avait besoin d'un magasin brillant ; alors que JC Penney était connu pour ses pulls abordables. Apple n'avait jamais compté sur les promotions en premier lieu ; et JC Penney supprimait les remises accordées auparavant ce qui déclencha une réaction massive de privation.”


Pour éviter ces écueils, il est donc nécessaire d’être particulièrement averti et en constante réflexion lorsque l’on applique des modèles mentaux. Il faut donc considérer ces modèles comme une boîte à outil, et être particulièrement honnête au moment d’évaluer la pertinence de chacun à un scénario donné - sans oublier de réfléchir à ses erreurs pour mieux s’adapter à chaque situation.

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